dimanche 1 janvier 2012

Le père noël est (quand même) un bon gars

Bon ok, c'est vrai, j'ai un peu eu la dent dure sur mon billet précédent.
Alors tant pis si je m'acharne sur ce sujet qui n'est vraiment plus de saison, mais je ne peux pas attendre 11 mois pour clarifier mon courroux.
Je reprends juste la plume pour faire ressortir plus explicitement quelques nuances, suite aux commentaires exprimés.

Non, je ne suis pas un taliban :-)
Effectivement, loin de moi la tentation de vouloir faire vieillir les enfants avant l'âge.
Je me souviens de la détresse de ma fille ainée, à l'âge de 5 ou 6 ans je crois, en déballant ses cadeaux, constatant qu'elle n'avait que des trucs "intellos/écolos" - bouquins ou jouets en bois - alors que sa cousine avait plein de jouets en plastique rose... Effectivement, à partir de ce jour là on avait réalisé qu'en essayant inconsciemment de les "tirer vers le haut", en pensant à résister à la pression de conformité, on les écartelait un peu dans leur vie d'enfant. Depuis on n'est moins "intégriste". Pis, je me surprends à adopter l'attitude inverse : en la faisant crouler sous les poupées Barbie, j'espère qu'elle va saturer et reprendre en main les rênes de son imaginaire.
Nan, j'déconne.

Le père noël est un objet...
... extrêmement pratique dont je me sers sans restriction... Pour faire le sale boulot !!!
Deux jours avant l'échéance, je n'ai pu dissimuler un sourire lorsque, venant de menacer mon plus jeune fiston récalcitrant, celui ci rétorqua, à mon "sinon.." menaçant, la réplique suivante : "sinon le papa noël il m'apportera qu'une clémentine". Cela ne venait pas de moi, mais il y a bien une culture partagée pour faire porter au père noël le fardeau du chantage. Et c'est pas plus mal. Comme le soulignait quelqu'un je ne sais plus où ni comment, la superstition et la magie sont les seuls outils dont nous disposons dès notre plus jeune âge pour ne pas que la complexité du monde nous bousille le cerveau. Aujourd'hui, nous mêmes, ne préférons-nous pas nous dire que l'ordinateur est magique pour l'utiliser tranquillement toute la journée pour faire tout et n'importe quoi, et éviter de se demander comment ça peut fonctionner aussi vite?
Alors je n'ai pas de scrupule à ce que mes enfants attribuent des relations de cause à effet aux sautes d'humeur du père noël, plutôt qu'aux savants calculs de leurs parents qui doivent tenir compte de milliards de paramètres (en dosant correctement le ratio discipline/lattitude pour ne pas saccager l'équilibre subtil entre liberté et sécurité ) pour foirer le moins possible leur éducation (et leur offrir un avenir radieux).

Et puis tant mieux...
... s'ils se rendent vite compte que le père noël est un couillon, qui offre des jouets plastique médinechaïna contenant forcément des piles même si ça ne sert à rien, à part clignoter et faire du bruit pour énerver les parents, à creuser le déficit de notre balance commerciale et faire croitre nos montagnes de déchets (plutôt que d'utiliser des sources d’énergie mécaniques comme on le faisait dans le temps avec les jouets jurassiens, quand il fallait remonter une clé plutôt qu'appuyer sur on/off).
Ça aussi, j'ai du mal à assumer, en fait.
Alors ça ne me dérange pas de faire porter le chapeau au père noël.

Bref, on est bien d'accord, le père noël m'est bien utile.
Pourquoi tant d'animosité alors?
Avec le recul, je touche mieux du doigt ce qui a motivé mon billet précédent.

L'invasion des clones ou le déferlement indécent de la féerie de Noël (confession)
Père Noël qui êtes aux cieux, j'espère ne pas vous avoir froissé
Je n'ai rien contre vous. J'ai mal supporté de vous voir partout un samedi après midi de décembre en ville, lorsque la pression sociale m'obligeait à acheter des trucs inutiles que je n'aurais jamais acheté pour moi même, pour faire plaisir à mes proches (tout en m'infligeant les acrobaties mentales les plus humiliantes pour me convaincre que j'avais trouvé de supers idées de cadeaux). Passer du temps dans la foule, à piétiner la planète, au milieu de tous vos clones en plastique et imposteurs déguisés, alors que dans le même temps j'aurai pu passer un moment tranquille avec mes enfants, mes proches, à profiter du simple plaisir d'être ensemble, sans saccager l'environnement, ni épandre plus de CO2 que nécessaire dans l'atmosphère.
Il vient de là, mon courroux.
De ma culpabilité. De mon constat d'impuissance. De ma frustration du temps qui passe trop vite, de cette course folle qui ne nous entraîne pas dans la bonne direction.
Depuis, je me suis calmé.
Et j'ai pu passer du temps, avec mes proches.
Du bon temps, même.
Jouer à des nouveaux jeux pas trop débiles avec mes enfants : un flipper-baby foot en bois, sans piles, sans bruitages, sur lequel on joue à deux de 4 à 144 ans.... Ça c'était THE super idée de cadeau !
Et quand il ne pleuvait pas un grand bol d'air en famille m'a permis d'oublier les rues piétonnes piétinées.




Profiter du réchauffement climatique et du soleil printanier de décembre lors d'une promenade digestive intergénérationnelle, en priant toutes nos icônes : toi, le Bon Dieu et la Ste Vierge et tout le reste de la bande, pour que la planète nous héberge encore quelque temps, en épargnant nos enfants....Vu que, lorsqu'une problématique nous dépasse, il ne nous reste plus qu'à croire et espérer...




jeudi 22 décembre 2011

Le cadeau empoisonné du père noël


Je voudrais bien me dire que noël, c'est bien. Que c'est bien, de cultiver notre soif de merveilleux, dès notre plus tendre enfance. D'explorer notre fascination pour la magie, de repousser les limites de notre imaginaire en développant sans cesse notre imagination débordante d'enfant crédule. 
Mais chaque année c'est la même chose. Je ne suis pas très bien.


Enfants innocents, adultes coupables et autres étranges symétries
N'y a t-il pas dans ce déversoir incontournable de bons sentiments, une frénésie artificielle qui révèle le déni dans lequel on vit?
Qu'historiquement, les humains de l'hémisphère nord, au plus profond de l'hiver, dans les journées les plus courtes de l'année, aient ressenti de se serrer les coudes pour se réchauffer devant un bon gueuleton en rêvant d'un au delà féerique, je trouve ça tout à fait normal et même salutaire. En revanche, que l'on ait construit un mythe que l'on cultive au point d'en déconsidérer le réel, ça m'attriste. Je vois cela comme un obstacle au bonheur.
Je ne parle même pas ici de l'aspect consumériste, ni de l'aspect religieux, et tout et tout...
Non non.
Je parle simplement de cette corruption collective qui nous pousse à entretenir un paradis artificiel pour nos petites têtes blondes, qui nous pousse à les maintenir le plus longtemps possible dans l'illusion, comme s'il fallait les préserver le plus longtemps possible, au motif que la vraie vie va les abîmer à jamais.

Cette idéalisation de l'ailleurs imaginaire n'est elle pas pas la partie émergée de la diabolisation du réel? Cette exaltation de l'innocence n'est elle pas le symptôme visible de la dissimulation de notre culpabilité? 
Nourrir le rêve, fuir le réel
Je ne comprends pas quel est l'intérêt de jouer aussi longtemps aux illusionnistes avec nos enfants.
Ou bien est-ce simplement un rite initiatique? Leur impose-t-on une overdose d'idéalisme pour les vacciner, et les formater à vie au fatalisme?
C'est possible. 
Ne serait-on pas tenté, face à la dureté et la complexité croissante du monde, de nous réfugier non plus dans les religions traditionnelles, mais dans les mythologies waltdisnyennes?
La foi superstitieuse, comme bagage pour la vie, pourquoi pas?
Il est vrai que nos superstitions sont notre dernier recours quand nos efforts de pensées rationnelles mettent en exergue notre impuissance. La superstition est le dernier rempart contre le désespoir. Soit.

Pour autant, plutôt que renforcer cela chez nos enfants, n'y a-t-il pas meilleur bagage à leur confier dès leur plus jeune age pour lutter contre le désespoir?

Si on leur donnait le goût de la réalité, plus que de l'imaginaire? Si on les sensibilisait au merveilleux qui imprègne la réalité, plutôt que celui qui sature nos illusions?
La générosité réelle de leurs proches qui se plient en quatre à Noël pour les gâter n'est elle pas plus belle que celle d'un gros monsieur barbu vêtu de rouge qui a à faire à des centaines de millions d'enfants et auprès duquel on restera à jamais anonyme?

Cultiver la foi de nos enfants dans le merveilleux, c'est un peu comme si on s'inclinait devant notre impuissance à cultiver notre bonheur dans ce bas monde et qu'on leur donnait le repli sur soi en bagage, comme seul outil pour affronter la suite. Mais est-ce un vrai cadeau?




Mirages tragiques
Et si on apprenait plutôt à se regarder, à s'ouvrir et à s'aimer? Les formes subtiles et incroyables que prennent les relations humaines ne sont elles pas le plus beau décor qu'on puisse donner à des contes de fées qu'on écrirait soi même?

Qui sait...
C'est en tous cas ce que je me dis, lorsque j'assiste, impuissant, à la dislocation de ce couple qui se déchire de découragement et d'incapacité à communiquer, à se comprendre, à s'accepter. Chacun reprochant à l'autre de ne pas lui apporter la hotte pleine de cadeaux comme prévu, de ne pas être le prince charmant annoncé, de ne pas être la bonne fée, de ne pas avoir de baguette magique.
Chacun reprochant à l'autre de ne pas comprendre ce qui n'a pas été expliqué, de ne pas deviner ce qui n'a pas été prononcé, de ne pas endurer une douleur qui n'a jamais été exprimée, de ne pas ressentir une joie qui n'a pas été partagée...
De ne pas être réellement ce qu'on imaginait.
Foutu cadeau du Père Noël.
Voilà ce que je me dis en les voyant se réfugier chacun de leur côté dans leurs illusions merveilleuses et fuir le réel en se disant qu'il y a des lendemains meilleurs qui les attendent quelque part, comme des oiseaux délaissant l'arbre généreux qu'ils ont dépouillé par leur maladresse et leur précipitation, et repartant chacun de leur côté à la recherche du pommier idéal...

mardi 15 novembre 2011

Rassurer les robots

Extrait d'interview de Patrick Viveret dans Mediapart ce jour.

"Les marchés financiers fonctionnent aujourd’hui à la seconde, ou à la nanoseconde, et ne supportent plus le temps démocratique, qui ne va jamais assez vite pour eux. Un phénomène permis et aggravé par le fait que 70% des transactions financières aux Etats-Unis, et près de la moitié en Europe, sont réalisées par des automates, à travers le trading algorithmique. On ne cesse de dire qu’il faut rassurer les marchés, parce que ça ne passerait pas si on disait qu’il faut «rassurer les robots». D’où le développement de cette novlangue jargonnante de l’économie financière, qui, par son opacité, joue un rôle structurant dans le déni de démocratie.

Il y a un formidable travail de déconstruction et d’éducation populaire à faire pour savoir qui sont ces fameux marchés financiers à rassurer. Le seul fait de se poser la question du «qui?» permet de saisir à la fois le rôle considérable des automates et la psychose maniaco-dépressive dans laquelle les financiers sont engagés.

Le Wall Street Journal, qui n’est pas l’incarnation d’une pensée alternative, écrivait, au moment du krach de 1987, mais cela reste valable aujourd’hui, que les marchés ne connaissent que deux sentiments : l’euphorie ou la panique. C’est exactement ce qui caractérise la psychose maniaco-dépressive. C’est-à-dire un état où les personnes perdent le contact avec le réel, notamment économique, et peuvent dilapider l’argent. C’est une des raisons pour lesquelles on préconise tutelle et curatelle. Il ne s’agit donc pas seulement de réguler les marchés financiers, mais aussi de les soigner. Les marchés financiers constituent aujourd’hui un problème de santé internationale."

Et aujourd'hui, en France, de quoi cause-t-on?
Des onéreux fraudeurs (et par extension, les assistés) . Comme prévu, et reprévu...