mercredi 30 mars 2011

Langages hermétiques

Sans doute parce que le filtre à travers lequel je vois le monde est celui des émotions, j'ai parfois quelques difficultés à comprendre celles et ceusses dont l'expression est sobre de ces ingrédients là.

Il parait que pour certains les émotions semblent si irrationnelles que, pour eux, elles polluent l'objectivité des propos.
Chez moi c'est l'objectivité exprimée sans émotion qui rend le propos opaque, et qui ne me parle pas. Surtout quand cela parle de nous.

Faites-moi des démonstrations implacables, des justifications incontestables, des argumentaires plus que logiques... avec moi, sachez que ce faisant vous ne prêcherez pas à un convaincu.

Sans doute parce qu'étant peu à l'aise avec l'idée qu'on peut logiquement prévoir le comportement de la mécanique humaine, je suis dubitatif vis à vis des projections qui décrivent nos choix par des cascades d’évènements extérieurs, même si elles sont sans doute exprimées avec une précision d'horlogers suisses, et une fiabilité avérée.
Évoquer les paramètres contextuels de votre environnement pour me parler de "vous" me donne l'impression que vous me parlez du décor, en occultant l'essentiel (vous).
Cela trouble ma réception du message. Vos évidences me sèment le doute. Je vous fais répéter, demande des précisions complémentaires, vous vous sentez obligés de vous justifier en bétonnant encore plus votre argumentaire. Et la brouille qui s'en suit m'empêche de progresser.




Alors qu'en me parlant de vous, vous me "décanterez".
Autorisez-vous à me dire vos perceptions, vos envies, vos craintes, vos joies, vos contrariétés, vos peurs, votre ennui, vos écoeurements, vos impatiences... tout coulera de source, je me plierai à votre réalité et vous ferez de moi ce que vous voulez. La confiance sera établie, on ne souffrira plus d'aucune contestation et je vous suivrai dans votre point de vue.
Même si c'est justement pour me demander de ne plus vous suivre...

[edit du 07/04/2011 : quoi de mieux pour illustrer ce billet sur l'incompréhension que cette jolie chanson ? Où l'on voit d'ailleurs que l'incompréhension a ses saveurs. Si la dame avait répondu tout simplement "Non j'ai pas envie", on n'aurait pas pu se délecter de ces situations cocasses....]

mardi 29 mars 2011

Cultiver son jardin...

Ce week end j'ai creusé. J'ai creusé un grand trou dans mon jardin.
Pour en faire un point d'eau.
Et vivre avec mes gamins au rythme des saisons.
Voir la végétation repousser au printemps : iris d'eau, populages, potamots et autres nénuphars pour reverdir l'ensemble.
Et assister aux premières pontes : libellules en coeur, tritons danseurs, crapauds échangistes et autres grenouilles gonflées pour mettre un peu d'animation.

Pour cela va falloir qu'on mette nos bottes, afin d'aller déambuler dans les ruisseaux pour rameuter du monde. Pas de problème, j'adore ça.
Sauf que ma fille en a parlé à son instituteur. Qui lui a gentiment dit qu'il était interdit de pêcher des batraciens.
C'est vrai. Mais j'ai quand même failli m'étrangler.
Comment expliquer à ma fille de 8 ans que ok la loi c'est la loi, mais que la loi n'empêche pas de vaporiser et déverser des tonnes de produits chimiques dans les champs autour de nos maisons, et que c'est sans doute pour cela que l'on ne trouve aucune grenouille dans le ruisseau en bas, aucun crapaud ou hérisson dans le jardin, plus d'abeille et si peu de sauterelles à la belle saison.
Que la loi n'a pas empêché les pratiques agricoles de transformer notre jardin en un écosystème à peu près aussi fourni qu'une dune du sahara, et que la loi veut nous empêcher de ramener 15 tétards dans un bocal pour remettre un peu de biodiversité dans ce foutu jardin.
Que la loi est toujours ferme et explicite quand il s'agit de condamner l'individu, le jeune, le chômeur, l'absentéiste, l'immigré, le fonctionnaire, le fraudeur de la sécu ou le pêcheur de grenouille, mais moins dissuasive contre les causes systémiques qui génèrent les plus gros dégâts.

Ma fille, bienvenue dans le monde la dissidence. Et sois sûre qu'on invitera ton instituteur à un grand barbecue dans notre jardin au solstice d'été au doux son du chant des grillons et des grenouilles...

lundi 28 mars 2011

Du temps perdu...

Cela aurait pu être une heure supp, une heure de pointe, une heure d'affluence, une heure H comme la bombe, une heure d'antenne pendant une heure de grande audience même hors soirée électorale, une heure de colle, une heure indue, une dernière heure ou même une de ces heures où l'on tue le temps... Mais non c'est encore une heure de sommeil qu'on nous sucre à chaque passage à l'heure d'été.

Idée pour l'année prochaine : demander à nos gentils gouvernants qu'ils suppriment non plus l'heure du samedi soir, mais l'heure de la semaine où les usines consomment le plus d’énergie. Ou bien l'heure où les embouteillages culminent. Ou bien l'heure où la télé nous balance le plus de conneries. Au choix (oui je sais ça va pas être évident de choisir).
Mais là au moins on aura fait un petit geste symbolique pour l'environnement et accessoirement l'avenir de nos enfants (surtout si l'expérience est tellement convaincante qu'on décide par la suite de généraliser cette mesure à toutes les semaines de l'année, puis à tous les jours de la semaine...).
Non, il n'est pas trop tard pour gagner du temps...

dimanche 6 mars 2011

Amour, bric à brac, pêle-mêle, fourre-tout et autres approximations....

Nous sommes des créatures complexes.
Et les relations sociales viennent faire croître cette complexité de façon exponentielle.
Aussi depuis la nuit des temps la tentation a été grande d'exploiter ce phénomène d'union entre deux êtres pour simplifier les choses, et diviser, en apparence, la complexité par deux.
Compacter deux êtres divergents pour n'en faire plus qu'un couple, voilà une source d'ordre et de sécurité.
En bons physiciens que nous sommes, nous avons modélisé la force à l'oeuvre pour obtenir une molécule de couple stable à partir de deux atomes d'individus instables.
Nous avons appelé ça : "amour".
Nous avons proclamé qu'il s'agissait d'un principe universel, comme la gravitation, l'électro-magnétisme
La science avançant, le Grand Amour est devenu un concept bien pratique, pour désamorcer nos peurs, légitimes, d'un monde de relations sociales débridées et anarchiques.
Le Grand Amour, vendu avec le contrat de propriété mutuelle exclusive qu'on appelle le mariage, pour nous faire accepter de confiner à vie, au sein de couple, notre activité sentimentale et sexuelle, en échange d'une disponibilité minimale réciproque. Et constituer un nid idéal pour passer le relais aux générations futures.


Pour autant notre science est relative. Et le progrès est fluctuant.
Notre est pensée sans doute ligaturée par le langage et les approximations sémantiques.
Oui, je viens d'apprendre que les Grecs de l'Antiquité avaient décliné en une dizaine de mots distincts, ce que l'on englobait, nous, dans un seul mot, monolithique et passe-partout: ce foutu "Amour".
Un peu comme si les grecs avaient donné un nom à chaque couleur de l'arc-en-ciel, tandis que nous ignorions toutes les teintes pour ne parler que de la résultante, le blanc. De l'amour, nous avons une représentation en noir et blanc, là où les grecs voyaient en couleur.






Porneia, pathos, mania pathé, eros, philia, storgê, charis, agapê, harmonia, eunoia...


- Porneia (du grec pornê, prostituée) : L'amour est dévorant, on attend de l'autre qu'il nous nourrisse.

- Pathos (souffrance, passion) : L'amour est passionné, possessif, il s'agit d'une demande inquiète et obsessionnelle.

- Eros (désir des sens) : L'amour est désir. Dès que l'autre sort de cette illusion de perfection, on ne l'aime plus.

- Philia (amitié) : L'amour est amical, non parce qu'il exclut le désir, mais parce qu'il apprend à le découvrir, de part et d'autre, et à le dire. Afin que chacun puisse l'entendre et s'entendre.

- Storgê (amour familial) : L'amour est tendresse. Pas seulement douceur, mais aussi tension : tendre vers l'autre, être attentif, attentionné.

- Charis (grâce, faveur) : L'amour est grâce. Le bonheur d'être ensemble est un cadeau. Cet accord profond permet d'être pleinement l'un avec l'autre. La quotidien prend toute sa saveur, se teinte de cette folie qui nous permet d'élargir l'horizon, d'aller vers l'inconnu.

- Agapê (amour divin) : L'amour est don. C'est la part inconditionnelle de l'amour. Là s'ouvre la porte de l'amour véritable, qui est une oeuvre à accomplir.



Bel arc-en-ciel, n'est-ce pas?