mercredi 13 avril 2011

Laisse le ricin pris dans le porcin

Une eau pure et limpide s'écoule doucement dans un doux clapotis et cette contemplation m'hypnotise.
- "Papa il est sur la lune" s'exclame mon gamin.
- "Dans la lune" rectifie mon ainée.
- "Tu reviens avec nous?" me demande leur mère.
- "Oh je n'étais pas parti !" les rassure-je, tant bien que mal.
A vrai dire j'étais en train de me dire que décidément, c'est triste, de devoir filtrer l'eau pour la boire avec cette carafe bizarre, alors que quand j'étais gamin, on buvait au robinet sans se poser de question. C'est triste de se dire qu'on ne sait plus récupérer d'eau potable depuis nos nappes phréatiques... Avant il fallait se protéger des menaces de la nature, maintenant ce sont celles de l'homme qui nous imposent le plus de vigilance...
Mais oui, reviens parmi les tiens, père indigne.
- "Tiens-toi bien, nettoie tes doigts, et finis ta côte de porc, on n'est pas des cochons quand même !" assène-je à mon second, qui récupère dans mon courroux un supplément gratuit d'irritation, gracieusement offert par la conscience de cette présence résiduelle de nitrates, pesticides et chlore dans mon verre d'eau.
- "Papa, si on serait des cochons et qu'on mange des côtes de porc, on serait des cannibales !" remarque mon ainée, toujours à l'affût des subtilités de ce genre.
- "C'est pas faux" rétorqué-je, préférant dans la foulée préciser le bon usage du conditionnel, avec les si qui font pas des ré, plutôt que d'avouer que la condition est sans doute déjà vérifiée et que le présent de l'indicatif convient très bien.
Oui, avec la nourriture qui est utilisée dans l'élevage industriel, même si sur le papier on a banni l'utilisation des farines animales, on cherche quand même à donner une alimentation très protéinée qui pourrait définitivement faire basculer le porc dans la catégorie des carnivores. Bien malin qui pourrait affirmer que ces protéines n'ont jamais été un moment ou l'autre d'origine porcine...

Et qu'est-ce qui nous distingue des cochons finalement? On mange la même chose, on a les mêmes maladies, on prends les mêmes médocs, et on se comporte à peu près pareil. On consomme tout ce qui passe et on vit au milieu de nos déchets. En mangeant du porc, on mange donc un peu nos congénères !

Je décide d'enchaîner et déplacer la discussion vers un registre un peu plus culinaire et instructif pour mes enfants. La cuisson de la viande de porc. Voilà un bon sujet éducatif.
Je vais simplement expliquer que depuis la nuit des temps, on fait cuire à fond la viande de porc, car comme ils mangent un peu comme nous, on a à peu près les mêmes microbes, alors il faut être bien sûr aussi de bien faire cuire les microbes aussi, pour ne pas que ce soit eux, les microbes, qui nous mangent.
Le boeuf, lui, mange de l'herbe bien verte et on peut donc le manger bien rouge. C'est logique.

Le cochon , c'est rose. Mais il ne faut pas le manger rose. Il faut le manger bien cuit.
Oui mais papa, le jambon cuit, c'est rose !
Bon ok, mauvais exemple, ma fille. Ça, c'est à cause des colorants.

Non, le porc, c'est bien cuit, disais-je sinon ça peut nous rendre malade.
Encore que.
En théorie il y a belle lurette qu'il n'y a plus de trichine dans le porc.
Mais justement. On peut tomber malade parce que maintenant dans le porc on y trouve trop de médicaments.
Alors il est impératif de bien le faire cuire, histoire de se donner le maximum de chance de dégrader les molécules d'antibiotiques et autres potions miracles, même données à bon escient, dont les éleveurs sont friands pour assurer les meilleurs rendements. Finalement, les causes varient, mais les traditions persistent.

Drôle de monde, où nous voilà en train de sombrer à nouveau dans les mêmes angoisses, les mêmes paranoïa, les mêmes superstitions que nos ancêtres.
Je lis ce jour que d'étranges candides éclairés autoproclamés s'en étonnent... Oubliant étrangement que la vraie main invisible qui a nous a conduit à cette psychose est celle qui a été délibérément et ouvertement célébrée par nos puissants depuis trois décennies pour justifier la "mondialisation", cette grande kermesse dédiée au culte du profit individuel et à l'irresponsabilité collective, qui a laissé la place du village mondial dans un sale état. Et un climat de suspicion généralisée.

Mes enfants, vous débarquez parmi nous en plein crépuscule de la société de consommation.
Pour masquer nos peurs, nous entretenons le déni. Pas besoin de tout remettre en cause, nous sommes suffisamment malins pour trouver des solutions à tout.
Et tandis que nous ne nous savons plus trop que faire de nos déchets, nous nous prenons à rêver d'une sorte d'utopie porcine. Oui nos déchets sont parmi nous et la tentation est grande de s'en nourrir en espérant les éliminer. Et ne plus y penser.

Et de me souvenir qu'il y a plus de 10 ans maintenant, un prophète singulier nous l'avait annoncé, avant de s'éclipser, pour ne pas laisser au cancer le soin de le faire.
Mes enfants, mangez bien pour bien grandir et soyez prudents, la déliquescence qui n'en finit plus de finir va vous compliquer la tâche. Tout est à réinventer, et la partie de chamboule-tout risque d'être interminable...

7 commentaires:

  1. J'adore la remarque de votre fille "si on serait des porcs )! Ah les enfants trop marrants!

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  2. Je n'en pense strictement rien puisque juste au dessus vous m'interrogez. Rien. Le vide absolu. Vous constatez des faits comme on enfonce des portes. Je vous suis, pas à pas, mais une fois dit tout ça, croyez-vous qu'aux urnes on peut faire la différence ? Non, les enjeux sont bien trop grands, cela nous dépasse et même notre cerveau éveillé est incapable de prendre la mesure totale des enjeux et des règles du jeu mis en place depuis des décennies dans nos sociétés. Question subsidaire : si nous avions vraiment le moyen de changer les choses, en serions-nous capables ?

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  3. j'ai même des doutes sur mes tomates pourtant totalement natures sans rien d'ajouter... à part quelques pluies :/

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  4. @If6 : oui, avec ces jeunes convives, le meilleur dans ces repas n'est pas dans l'assiette, mais autour...

    @Gicerilla : quoi, Gi, des heures passées à me torturer les méninges et rédiger ce billet fabuleux pour que vous n'en pensiez RIEN ????!!! Que ceci est cruel !!! Vous me désespérez ! :-)
    Bon je note vos questions et essaierai d'y répondre en ce lieu, en espérant surtout que vous n'en penserez pas moins !

    @Dita : c'est quoi comme variété tes tomates? Des Fukushima?

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  5. Que veux-tu, le cochon est absolument PARTOUT, même dans les salles d'accouchement où il aide les futures mamans humaines à mettre bébé au monde grâce aux prostaglandines issues de sperme de porc !

    On a finalement plus d'affinités avec le joli cochon rose qu'avec le singe poilu.

    Eff

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  6. @Eff : décidément, tout est bon dans le cochon... :-)
    Cela me rappelle qu'effectivement dans les porcherie industrielle la mise bas des truies est déclenchée pour coïncider avec la visite du vétérinaire, heureusement on n'en est pas encore là dans les maternités...(c'est ce qui nous distingue encore des cochons :-)
    Sauf que dans la clinique privée où mon ainée a vu le jour, le taux de naissances par césarienne planifiée était apparemment deux fois supérieurs à ceux rencontré dans les hôpitaux publics (enjeux sanitaires ou économiques? là encore de quoi alimenter toutes les paranoïa...)

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  7. l'enjeu pour les césariennes est le confort de l'obstétricien et aussi de la patiente parfois cher usclade et c'est bien cela le plus navrant!!!
    Le cochon est très proche de l'homme . On peut s'en servir parfois pour don d'organe, pour certaines valves cardiaques!
    groin groin
    :)

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Zone de saisie interactive nous permettant d'envisager la co-construction d'un échange d'informations, processus également connu sous le terme de "dialogue" :