vendredi 2 novembre 2012

Darwin et les entrepreneurs

L'humain est un drôle de fléau, capable de drôles de calamités.
Parfois génial bâtisseur, parfois terriblement destructeur. En tous cas le gâchis ne l'effraie pas plus que ça.
Il est globalement pire que Sandy.

Que l'humain fasse preuve de créativité, d'audace, de courage pour entreprendre toutes sortes de projets économiques et commerciaux, pourquoi pas. Mais quand tout cela est fait par opportunisme, et simple appât du gain, quand il ne voit pas plus loin que le bout de son nez, ou plutôt de son bec, le terme de pigeon lui va effectivement bien.
Toutefois les sciences naturelles nous indiquent que le pigeon n'est pas l'espèce dont il est le plus proche. Je vais m'expliquer.



Je n'ai pas (trop) d'animosité contre l'entrepreneur, ce gentil va-t-en-guerre, qui part à la conquête de part de marchés, armé de "business plans" imparables, qui aime lever des capitaux comme le chien lève les lièvres, pour revendre au mieux son affaire et faire la culbute. Libre à lui de jouer le drôle d'oiseau...
Il est l'avenir du pays, la force vive que l'on choie dans les ministères.

Certes, le voilà qui s'est mis à pleurnicher quand on a menacé son droit à la "plus-value", et vite on a cédé à sa contrariété. Comme un Johnny Hallyday droit dans ses bottes pour évoquer l'injustice de la confiscation de "son" argent qu'il mérite plus que tout puisqu'il a du talent, l'entrepreneur ne peut concevoir d'être ainsi racketté par la collectivité. Parfaitement ego-centré, il estime ne rien devoir à personne, et les problèmes de société, de dette souveraine, de solidarité, c'est pas son problème.
Heureusement, on l'écoute. Et le gouvernement recule...

Pensez donc, c'est sur lui que l'on mise pour créer de l'emploi, et partout les collectivités lui déroulent le tapis rouge. Certains vont même à vouloir convertir tout le monde, et se prennent à rêver d'un marché du travail entièrement peuplé d'auto-entrepreneurs !
Chaque ville désormais a ses pépinières d'entreprise, ses incubateurs de projets, ses viviers de créateurs comme autant de bassins de pisciculture ou de batteries de poulets.
Pour créer de l'emploi, il faut créer des entreprises. Plus il y aura d'entreprises créées, plus quelques une survivront. C'est statistique. C'est Darwinien.

Les grenouilles et les crapauds le savent bien, qui lâchent chaque années plusieurs milliers de têtards dans une flaque en espérant qu'une dizaine de batraciens réussira à (s')en sortir.

Alors, je dirais que non l'entrepreneur n'est pas un pigeon. Juste un têtard à grosse tête dont la majeure partie ira gonfler les statistiques de la forte mortalité infantile des entreprises de ce pays.

Détrompez-vous, les survivants ne deviendront pas pour autant des crapauds. Il y a de fortes chances qu'il deviennent des étourneaux sansonnets. Oui, s'ils réussissent à faire la "culbute", ils pourront s'envoler avec leur butin, se proclamer investisseurs, et rejoindre la meute pour fondre sur la bourse, et à travers elle, l'économie réelle. Comme des étourneaux sur un verger. Ils se feront peut être adopter par des investisseurs de "souche", qui sait? De l’entrepreneur au grand patron, le capitalisme, c'est une grande famille. Les plus patriotiques et bienveillants auront même le loisir de demander à leurs pairs de faire des efforts de compétitivité (c'est à dire d'être moins gourmands quand ils travaillent, pour ne pas nuire aux profits des actionnaires), afin que les étourneaux ne soient pas contraints d'aller boursicoter ailleurs. C'est sympa comme boulot, investisseur. C'est ludique.

Bref, peu de créateurs deviendront de vrais dirigeants d'entreprise, compétents pour mener leur projet et leur capacité d'innovation sur le long terme.

C'est peut être ça, qui ne va pas non plus, dans l'économie française.
J'avais entendu parler d'une étude qui montrait que les PME allemandes étaient plus performantes que leurs homologues françaises, avant tout parce qu'outre-Rhin leurs fondateurs restaient à vie dans leur entreprise, contrairement à la France où ils revendaient pour la majorité leur affaire dès les premières années, dès que la valorisation devenait intéressante.

Bref, le capitaliste français est intéressé par le court-terme. Pigeon, têtard ou étourneau, tous ont la vue courte. Que ce soit dans la lutte contre le chômage, ou le développement économique, en misant sur la compétition et la gloutonnerie, la seule chose que je retiens au final, c'est que ça ne vole pas bien haut...




Annexes zoologiques (source Wikipédia) :

Les têtards


Au sortir de l'œuf, le têtard est caractérisé par une grosse tête confondue avec son abdomen (d'où son nom) (..) Après l'éclosion, les têtards vivent généralement en groupe, non loin du lieu de ponte, et souvent près des berges ou de masses de végétation. La principale occupation du têtard jusqu'à sa métamorphose finale semble être de manger. (..) Chez quelques rares espèces, des têtards peuvent pratiquer le cannibalisme quand la nourriture vient à manquer.



Les nuisances provoquées par l'étourneau sansonnet

Opportunistes et agressifs, ces oiseaux peuvent concurrencer l'existence d'autres passereaux(...).


Par la puissance du nombre, ils sont capables de causer d'importants dégâts aux récoltes dans les champs, les cultures maraîchères et les vergers.
En ville, leurs déjections peuvent abîmer les monuments situés sous leurs dortoirs. Le bruit qu'ils produisent, lorsqu'ils sont en nombre, peut aussi être fort gênant la nuit.








(photos respectivement trouvées sur Le Figaro, www.fond-ecran-image.com, et le site de Tim Graham)


10 commentaires:

  1. Ce que j'en pense ? Sans doute que mettre un avocat à la tête d'un ministère qui s'appelle le "redressement productif" est l'illustration parfait de là où nous nous situons. Avant de prétendre aimer et défendre les salariés, il faut d'avord oser aimer les patrons et les entreprises, toutes les entreprises et arrêter de leur balancer toutes les misères du monde à la tronche en expliquant que c'est de leur faute genre "le capital vous ment, il vous spolie !" comme criait de manière plutît mignonne feu la militante Arlette. Le probléme de ce pays c'est qu'il n'ose plus rien, qu'il ne veut rien céder et surtout pas ses priviléges et qu'il veut continuer à faire comme si nous pouvions vivre sur une rente qui n'existe plus depuis bien longtemps... Alors têtard, pigeon, blaireau, paresseux...tout ce que tu voudras mon cher Usclade, dans le monde dans lequel nous vivons, les parallèles ne manquent pas ! Bizz et bon WE

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  2. Coucou Flo, chouette j'adore débattre avec toi :-)
    Bon c'est vrai en France, se victimiser est un sport national. Le monde ouvrier avait jusqu'ici traditionnellement un net avantage, mais depuis quelques décennies on assiste à un certain rééquilibrage. Le monde patronal n'est pas en reste et il tient désormais la dragée haute à son adversaire de toujours.
    J'étais cette semaine à une soirée CGPME et je peux te dire que j'en ai vu des pleurnicheurs, rho la la..

    Comme j'en parlais déjà ici la posture victimisation/culpabilisation traduit un évitement de ses propres responsabilités.
    Et il y a quand même une partie mieux placée que l'autre pour assumer ses responsabilités, c'est celle qui détient le plus de pouvoir (oui, pas de responsabilité possible sans le pouvoir de les assumer)
    Je te laisse deviner qui je vois mieux placé pour cela :-)

    "Le probléme de ce pays c'est qu'il n'ose plus rien, qu'il ne veut rien céder et surtout pas ses priviléges et qu'il veut continuer à faire comme si nous pouvions vivre sur une rente qui n'existe plus depuis bien longtemps..."
    Si elle existe toujours. Il s'agit de plus de la recette de l'impôt sur le revenu par exemple. Ou même d'une fois et demi la recette de l'impôt sur les société. Ça correspond à la rente que l'Etat français verse chaque année au système financier pour entretenir la dette publique, depuis qu'il a été décrété que l'Etat ne pouvait plus être sa propre banque et qu'il devait se financer par les marchés financiers privés...

    http://opinionsopiniez.hautetfort.com/archive/2012/10/31/des-camemberts-pour-clouer-le-bec-des-corbeaux-de-l-austerit.html


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  3. Personnellement, je suis favorable au système tribal fondé sur le potlatch.

    A part ça, je me demande si tu n'aurais pas un petit soucis avec l'économie de marché et le néolibéralisme. je me trompe?

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  4. L'économie de marché, ça ne me dérange pas. Ce qui me reste en travers, c'est le néolibéralisme et sa mythologie infantile et irresponsable qui prétend que chacun à droit de profiter à hauteur de son talent, que chacun mérite d'être riche ou pauvre, et que si on laisse chacun s'en foutre plein les pognes aux dépens des autres, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes, "la main invisible" veillant sur nous comme une bonne étoile pour éviter le naufrage collectif.

    La démocratie de marché est une blague. Arrêtons de nous voiler la face et reconnaissons que le monde est désormais juste piloté par les "investisseurs", terme plus sexy que "capitalistes" mais qui désigne la même chose, qui sont là pour servir leur intérêt particulier et n'ont que peu d'obligation envers l'intérêt général.

    Oui je suis très critique envers le néolibéralisme. C'est juste un habillage plus moderne et libertaire du capitalisme traditionnel, lequel n'était déjà qu'un remake version "révolution industrielle" du système de seigneurie féodale, dans lequel les propriétaires se gavent grâce au boulot des paysans qu'ils font bosser sur les terres qu'ils se sont accaparées...

    J'ai surtout un gros problème avec le droit de propriété. Le fait que les humains s'octroient la totale jouissance d'un morceau de la planète et que cela leur confère des privilège au dépens de leurs pairs me semble totalement usurpé, archaïque et irresponsable... Et je te dis ça alors que je suis propriétaire d'un bon morceau de ma boite. Mais je n'en tire aucun privilège. Je suis salarié comme tout le monde et je ne ressens pas le besoin de prélever pour ma gueule les richesses qu'on génère collectivement...

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    1. Tu n'es donc pas propriétaire de ton logement, ni marié. J'en déduis :-)

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    2. :-P
      On est propriétaire de notre maison. Mais on ne fait pas payer ceux qu'on héberge :-)
      Et je ne suis pas propriétaire de ma femme !!!

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    3. le mariage, c'est un acte de propriété. t'as qu'à lire un peu d'histoire. Et puis la preuve, pour s'en défaire, faut un avocat! La meilleure institution capitaliste est le mariage! oui oui... unité domestique, travail domestique gratuit, accès libre à une femme, descendance et patrimoine contrôlé, etc. etc.
      Souviens toi, "la propriété, c'est le vol"!
      allez, j'arrête de t'embêter, j'ai été dans les mouvements anarchistes... alors, tu penses que des contre-arguments, j'en ai plein! rire! (je précise... j'ai arrêté de révolutionner quand je me suis mariée et ai acheté une baraque;, lol)

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    4. Blague à part, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis du mariage, j'en ai parlé souvent ici, et si c'était à refaire, on modifierait préalablement le code civil :-)
      Sinon tu sais que tu es délicieuse désormais en bourgeoise? :-)

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  5. elle a raison Cristina, en théorie on n'est pas plus propriétaire de sa femme que de son mari..
    Mais en pratique .... c'est à dire dans l'inconscient (et surtout l'inconscient collectif) c'est une autre paire de manches !

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  6. Moi aussi je suis d'accord avec vous. Cette idée de propriété est pour moi un héritage moyen-âgeux dont il faut se défaire.. Sur la propriété, j'avais d'ailleurs écrit ceci :
    http://usclade.blogspot.fr/2012/06/nul-nest-besoin-daccaparer.html

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Zone de saisie interactive nous permettant d'envisager la co-construction d'un échange d'informations, processus également connu sous le terme de "dialogue" :