Dans le billet précédent, j'évoquais ce que la tentation de culpabiliser pénalement les clients de la prostitution révélait comme effets pervers. Et je touchais du doigt qu'au delà du cas de la prostitution, le réflexe de faire porter le chapeau au consommateur était plus que répandu dans ce monde de commerce débridé.
Aveu d'impuissance et impasse morale
Chaque recul des libertés individuelles (comment interdire à deux adultes consentants d'avoir des relations sexuelles tarifées?) traduit un aveu d'impuissance de l'intérêt général face aux déviances de quelques intérêts particuliers. Et au delà, le fait que les militants de la cause féminine n'aient plus comme dernier recours que la culpabilisation des clients de la prostitution, illustre l'impasse morale dans laquelle nous mènent les autoroutes idéologiques du libéralisme économique.
Aveu d'impuissance et impasse morale
Chaque recul des libertés individuelles (comment interdire à deux adultes consentants d'avoir des relations sexuelles tarifées?) traduit un aveu d'impuissance de l'intérêt général face aux déviances de quelques intérêts particuliers. Et au delà, le fait que les militants de la cause féminine n'aient plus comme dernier recours que la culpabilisation des clients de la prostitution, illustre l'impasse morale dans laquelle nous mènent les autoroutes idéologiques du libéralisme économique.
On ne saura pas dans l'époque actuelle comment se passer du recours à la prostitution, parce que tout concourt au contraire à son essor.
Se vendre pour pouvoir tout acheter
La prostitution nous hante car dès l'entrée dans sa vie d'adulte, l'individu devra se vendre sur le marché du travail s'il veut "trouver sa place dans le trafic", comme le chantait Cabrel.
Et le désir et la frustration sont les cordes sensibles de l'individu que les marchands viennent chatouiller à longueur de journée à coup de publicités toujours plus ou moins érotisées. L'addiction à cette soupe quotidienne, provoquant un mélange permanent de plaisir et de douleur, garantit aux marchands que les individus resteront corps et âme disponibles pour le bon fonctionnement du marché...
Organisation Commerciale du Monde
On répète à l'envi que tout est marchandise, qu'il faut toujours aller plus vite, que chaque individu doit assouvir ses besoins, que tout peut se monnayer... Le commerce est présenté comme l'avenir de l'Homme, au point que depuis les dernières décennies les gouvernements nationaux n'ont cessé de se plier aux injonctions de l'Organisation Mondiale du Commerce, qui même si la crise lui a fait adopter un profil bas ces derniers temps, mérite plus que jamais son surnom d'Organisation Commerciale du Monde.
Se vendre pour pouvoir tout acheter
La prostitution nous hante car dès l'entrée dans sa vie d'adulte, l'individu devra se vendre sur le marché du travail s'il veut "trouver sa place dans le trafic", comme le chantait Cabrel.
Et le désir et la frustration sont les cordes sensibles de l'individu que les marchands viennent chatouiller à longueur de journée à coup de publicités toujours plus ou moins érotisées. L'addiction à cette soupe quotidienne, provoquant un mélange permanent de plaisir et de douleur, garantit aux marchands que les individus resteront corps et âme disponibles pour le bon fonctionnement du marché...
Organisation Commerciale du Monde
On répète à l'envi que tout est marchandise, qu'il faut toujours aller plus vite, que chaque individu doit assouvir ses besoins, que tout peut se monnayer... Le commerce est présenté comme l'avenir de l'Homme, au point que depuis les dernières décennies les gouvernements nationaux n'ont cessé de se plier aux injonctions de l'Organisation Mondiale du Commerce, qui même si la crise lui a fait adopter un profil bas ces derniers temps, mérite plus que jamais son surnom d'Organisation Commerciale du Monde.
De cette idéalisation du commerce, il semble que l'on ne puisse transiger sur le droit de vendre. Si les choses se vendent, c'est qu'il y a un besoin nous dit-on. L'idéologie néolibérale nous explique qu'il faut laisser faire, qu'il existe une main invisible qui fait en sorte que tout se régule dans le meilleur des mondes, pourvu qu'on laisse régner la loi de l'offre et de la demande.
La faute aux consommateurs.
Et naturellement donc, si toutefois le monde va mal, c'est à cause des consommateurs, qui ont des mauvais besoins, et qui ont surtout le tort de ne pas être vertueux que leurs voisins. Combien de fois n'a-t-on pas entendu que c'est au consommateur de faire changer les choses. Comme s'il en avait le pouvoir, alors qu'il est juste atomisé dans son coin, et que tous les sacrifices qu'il pourra accomplir équivaudront à pisser dans un violon.
Et naturellement donc, si toutefois le monde va mal, c'est à cause des consommateurs, qui ont des mauvais besoins, et qui ont surtout le tort de ne pas être vertueux que leurs voisins. Combien de fois n'a-t-on pas entendu que c'est au consommateur de faire changer les choses. Comme s'il en avait le pouvoir, alors qu'il est juste atomisé dans son coin, et que tous les sacrifices qu'il pourra accomplir équivaudront à pisser dans un violon.
Au consommateur de consommer éthique, de manger bio, de ne pas acheter des produits chinois fabriqués par des enfants prisonniers, vérifier ce qu'il achète, etc, etc...
Le marchand, lui, doit faire du profit. Ce serait son droit, et son seul devoir?
Abdication ?
Dans le fatalisme qui mène à en appeler à la responsabilité du consommateur plutôt qu'à celle du marchand, il y a un triste renoncement. Un postulat devenu si évident qu'on en n'aurait même plus conscience. L'humain serait intrinsèquement véniel, cupide. Il aurait le droit de faire du profit avec tout. On ne le changera pas. Il y aura toujours des proxénètes, des escrocs et autres nuisibles irresponsables parmi nous. Et ensemble on ferait du commerce de tout et n'importe quoi comme on respire, sans y penser, pourvu que qu'on en tire du profit.
Dans cet état d'inconscience généralisée, nous aurions nous, les passants honnêtes et anonymes, à vivre avec, en nous imposant de glorieux sacrifices et des interdits moraux pour nous en protéger, et porter seuls la responsabilité de la destinée du monde...
Dans cet état d'inconscience généralisée, nous aurions nous, les passants honnêtes et anonymes, à vivre avec, en nous imposant de glorieux sacrifices et des interdits moraux pour nous en protéger, et porter seuls la responsabilité de la destinée du monde...
Label rose... ou démarchandisation ?
Que l'on parvienne - ou non - à neutraliser un jour les proxénètes, les escrocs, les pollueurs, les esclavagistes... et avant que l'on ne parvienne à faire prendre leurs responsabilités aux puissants de ce monde (si tant est que ce ne soient pas les mêmes que les précédents), je vois de toutes façons deux pistes, amusantes à priori, mais pas si fantaisistes que ça, pour nous tirer vers le haut. Et comme il n'y a pas de mal à se faire du bien, commençons par la question du plaisir.
Que l'on parvienne - ou non - à neutraliser un jour les proxénètes, les escrocs, les pollueurs, les esclavagistes... et avant que l'on ne parvienne à faire prendre leurs responsabilités aux puissants de ce monde (si tant est que ce ne soient pas les mêmes que les précédents), je vois de toutes façons deux pistes, amusantes à priori, mais pas si fantaisistes que ça, pour nous tirer vers le haut. Et comme il n'y a pas de mal à se faire du bien, commençons par la question du plaisir.
La première, c'est la méthode en vogue en ce moment. C'est la piste de labels en "ique" et en "able" : éthique, responsable, raisonnable, écologique, respectueux, durable ou que sais-je encore.
Ce n'est pas la piste la plus romantique, mais elle a le mérite d'être la plus carrée.
Sortir de l'hypocrisie et des cache-sexe, et enfin accepter que la prostitution soit une activité professionnelle à part entière. Avec des agréments délivrés qui garantissent que la personne exerce son activité en toute liberté, indépendance et sécurité. Les clients qui ne passeraient pas par cette filière seraient effectivement alors passibles de poursuites.
L'autre piste, pour les rêveurs à long-terme comme moi, consisterait à engager dès aujourd'hui les grandes remises en cause culturelles et éducatives pour apprendre à nous passer de la prostitution. Tout en trouvant, pourquoi pas, dans le plaisir sexuel en particulier, la source de motivation dont l'humanité a besoin pour initier le reflux. Utiliser l'énergie de notre addiction au cul pour nous libérer de notre addiction à l'argent, repenser les rapports entre l'individu et ses congénères, et retrouver la liberté dont la pensée économique nous a privés.
Et retrouver du temps. Temps de se libérer de ses jugements, temps de séduire et être séduit, temps d'apprécier, temps de baiser, temps d'aimer. Sans compter. Penser respect, confiance et générosité comme source de richesse. Acceptation de l'altérité et de la diversité. Et enfin retrouver la fluidité de la gratuité.
Et retrouver du temps. Temps de se libérer de ses jugements, temps de séduire et être séduit, temps d'apprécier, temps de baiser, temps d'aimer. Sans compter. Penser respect, confiance et générosité comme source de richesse. Acceptation de l'altérité et de la diversité. Et enfin retrouver la fluidité de la gratuité.
En un mot, la "démarchandisation", terme dont je suis impatient de vous en décrire dans un prochain billet tout ce que cela m'évoque...
"Touche pas à mes putes !"
RépondreSupprimerLa prostitution est légale en France : Les prostituées déclarent leurs impôts et payent le plus grand proxénète de l'hexagone qu'est l'état !
Mais si la prostitution est légale, les activités "organisées" sont illégales (n'est pas proxénète qui veut!), tel est le paradoxe.
C'est bien pour cela que cette nouvelle loi prétend lutter contre le proxénétisme et non la prostitution !
C'est tout le débat des maisons closes.
Reconnaitre leur existence permettrait aux dames d'être et d'exercer en sécurité, de ne plus être exploitées, rackettées, battues par des brutes et de remplir leur feuille d'imposition tranquille !
Mais ce serait admettre le côté obscur d'un état soucieux de son image qui bichonne toujours autant son opinion catholique (on ne se défait pas de siècles d'histoire comme ca) et qui reconnaitrait de façon ostensible la traite "des être humains"!
Hypocrisie ou pas, il est une chose à laquelle l'Etat ne résiste pas : LE POGNON ! Tout ce qui peut rapporter de l'argent est bon à prendre.
A défaut de faire payer les proxénètes (qui ne déclarent pas leurs revenus, eux, et qui sont souvent trop dur à arrêter),il fallait bien se rabattre sur le client (le beurre et l'argent du beurre comme d'habitude!) en misant sur sa culpabilité moral pour éviter les esclandres.
On est plus à une ineptie près ! Légaliser d'un côté (deux personnes monnayant un rapport sexuel) pour pénaliser de l'autre (punir une des deux personnes).
L'Etat n'a jamais hésité à cultiver le vice, en jouant sur le tableau "Bien/mal" dès lors que cela peut lui rapporter de l'argent ! [cigarettes, carburant, alcools...et sexe!]
Toutefois, contrairement à ce que tu écris, je ne suis pas certaine que l'homme marié soit visé plus qu'un autre !
Un reportage est passé récemment sur la recrudescence de la prostitution à Limoge (oui!oui! Limoge!).Il a permis notamment de mettre en avant une réalité évidente qu'est la solitude et le nombre croissant d'hommes célibataires (les sites de rencontres se font des choux gras de la solitude).
L'homme marié stigmatise la vindicte populaire dans son aspect moral mais à mon humble avis, l'Etat, lui, se contrefout que l'homme harponné ait une alliance ou non au doigt (à moins qu'il envisage de rajouter la corde de maitre chanteur à son arc !)
En admettant que le législateur ait dans l'idée d'assécher le marché, je pense que derrière, l'état se frotte les mains de potentielles rentrées d'argent (aussi maigres soient-elles)même si, vu le contexte d'insécurité actuel, je doute qu'on ose demander aux forces de police de faire le pied de grue derrière chaque péripatéticienne pour verbaliser le "bon père de famille".
Toutes les prétextes sont bons à prendre et je suis convaincue que s'en est un !
Une remise en cause culturelle ?! Sans vouloir te bousculer mon cher Usclade, elle est en route depuis un petit moment et entraine avec elle, les dérives inhérentes.
Le "Libertinage" tant exposé par les médias en tout genre, avides de sensationnel, est un véritable "travail de fond" pour certains même s'il reste une opportunité d'extra pour d'autres.
Pour terminer sur une petite parenthèse, il n'y a pas que des "canons" ou des aguicheuses qui se font violer, le viol est malheureusement bien plus imprévisible plus que cela !
Eff (désolée pour le "roman" hein:))
Merci pour ton roman, Eff, j'avais peur que ces billets ne trouvent pas de lecteurs suffisamment maso pour se coltiner toute la longueur mais je suis rassuré de voir qu'il n'en est rien ! :-)
RépondreSupprimerBon tes commentaires sont si riches que tu viens de m'inscrire 3 projets de billets supplémentaires d'un coup (merci !) car j'ai quelques écarts avec ton point de vue qu'il serait trop long d'exposer ici.
J'évoquerai juste la question du libertinage. Cela ne me semble pas une remise en cause fondamentale et en route, au sens où elle me semble encore stagner à un niveau assez marginal dans la société et où je la vois encore comme dérivant du système marchand. Cela me fait penser au succès des vide-greniers : on y voit le dimanche une affluence aussi importante que sur les parkings de magasin le samedi après-midi. J'aime sa philosophie développement durable, et cela a vidé les églises. C'est donc doublement positif :-), mais ça reste dans l'esprit comme une manifestation du consumérisme (le PAP, de particulier à particulier, pour contourner les intermédiaires...)
Aïe, je sens que mon propos va déclencher des polémiques :-)
le premier proxénète de France n'est pas l'Etat,non?
RépondreSupprimerah mais lui, il a droit au haut standing de la prostitution...
Rire,
RépondreSupprimerTout action nouvelle n'est-elle pas marginale avant de se banaliser sous l'effet de masse ?
Bon ok, j'en conviens, d'ici à ce qu'on revienne à une telle liberté sexuelle dans l'ensemble des chaumières de nos générations, on peut rêver; mais avec sa "banalisation", le Libertinage rentre dans les moeurs des générations actuelles.
Il y a 8 ans, les "libertins" avaient 30 ans en moyenne, maintenant je ne compte plus les "libertins" de 20 ans... Si ce n'est pas en cour de banalisation, qu'est-ce que c'est ?
Un exemple plus classique: le divorce !
Jusqu'à nos parents, divorcer ne se faisait pas ! Cela restait très très très très marginal car c'était très très très très mal vu de divorcer.
Aujourd'hui, on divorce comme on change de chemise. Il aura fallut une génération charnière pour que le marginal se banalise !
Eff
@Eff : oui les choses peuvent basculer très vite je suis d'accord.
RépondreSupprimerConcernant le divorce, ce que tu dis est vrai, et rejoint mon propos. Aujourd'hui on parle de mariage "consommé" et de nouveau mariage comme un produit neuf qui remplace le précédent. A l'image du consumérisme. Mais au dela, il y aura la sortie du consumérisme je pense, avec l'acceptation des amours plurielles, diverses et variées, comme je l'évoque ici : http://usclade.blogspot.com/2011/03/amour-bric-brac-pele-mele-fourre-tout.html
Concernant le libertinage, il est possible que je ne connaisse pas assez le sujet et peut être je fais une confusion avec l'échangisme, mais il me semble que ce phénomène correspond à ce que je décris dans la première partie quand je dis que le sexe a tendance à devenir un plaisir comme un autre, donc monnayable, ce qui me semble aller dans le sens de la prostitution (l'échangisme m'apparaissant comme une sorte de troc sympathique !) :-)
Interesting read
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